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édito special 2ème confinement #1 / Novembre 2020

Les enseignants méritent reconnaissance sociale et financière

Après l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Samuel Paty, toute la population dans un sursaut républicain est descendue dans la rue pour dire “je suis enseignant” comme elle avait dit “je suis Charlie “ en 2015 après l’attentat contre les journalistes de Charlie Hebdo.

C’est bien sûr une belle et nécessaire reconnaissance à l’égard d’une profession qui agit souvent bien seule, dans des conditions difficiles pour transmettre le savoir et faire vivre au quotidien les valeurs républicaines.

Il est regrettable qu’il faille cette tragédie pour mettre en lumière le rôle irremplaçable des enseignants dans la République. Nous ne devons pas « être enseignants » sur le coup d’une émotion aussi légitime soit-elle, mais parce que nous devons reconnaître le courage dont ils font preuve et le travail qu’ils réalisent tous les jours.

Dans le temps du zapping médiatique, une fois l’émotion passée, les conditions de solitude, les difficultés matérielles d’exercice du métier, le manque de reconnaissance sociale redeviennent le quotidien du métier d’enseignant. Souvenons-nous que lors du 1er confinement, la porte-parole du gouvernement s’était permise de dire que les enseignants auraient pu aller cueillir des fraises, suggérant que le confinement était pour eux une sorte de vacances, alors que dans des conditions extrêmement difficiles ils étaient aux premières loges pour assurer la continuité du service public d’éducation.

Lors de la rentrée scolaire, dans le cafouillage et les consignes changeantes, ils se sont retrouvés seuls face à leur classe pour une minute de silence en hommage à Samuel Paty. Ils demandaient, quoi de plus légitime, de se retrouver ensemble 2 heures avant les cours pour réfléchir ensemble et préparer un travail pédagogique adapté à la réalité de chaque établissement pour rappeler les valeurs de la République et particulièrement le principe de laïcité, car on n’intervient pas de la même façon dans un établissement en quartier prioritaire et un établissement de centre ville.

Mouvement d’éducation populaire et fédération d’associations, la Ligue de l’enseignement a été construite dès 1866 pour œuvrer en faveur de   l’école publique laïque et obligatoire dont les 2 buts essentiels étaient de transmettre les savoirs et faire des citoyens et ainsi servir à construire et faire vivre les idéaux républicains.

C’est grâce aux enseignants et enseignantes, à leur engagement tant dans l’école que dans les activités périscolaires portées par la Ligue que la continuité s’est réalisée. Ainsi les enseignants ont à toute époque apporté une forte contribution au projet républicain. Dès les lois Jules Ferry ils se sont consacrés pleinement à leur mission, à tel point qu’ils furent rapidement qualifiés d’hussards noirs de la République. Ils n’ont par la suite pas hésité à prolonger leur travail en s’engageant au sein des réseaux laïques, en créant et faisant vivre des amicales laïques afin d’offrir à la république des outils concret de mise en œuvre de son projet.

Aujourd’hui ils continuent à s’engager dans leur mission de service public et doivent souvent faire preuve d’ingéniosité pour compenser le manque de reconnaissance et de moyens qui leurs sont alloués. Au quotidien ils doivent  faire preuve de prouesses , particulièrement dans la période difficile que nous traversons pour rester mobilisés, ne pas baisser les bras et  sans cesse s’adapter pour assurer la continuité de leur mission.

Pour ce qui est de la crise sanitaire, les enseignants ont innové, ont su faire preuve d’énergie pour assurer un suivi à distance. Aujourd’hui les voici encore « au front » en cette période de rentrée avec l’application d’un protocole contraignant. Ils se retrouvent à devoir accueillir jusqu’à 30 enfants voir plus dans une seule classe avec plus d’un millier d’élèves parfois qui circulent dans un seul et même établissement. La protection des élèves dans ce contexte est une mission contraignante et difficile.

Face à ces difficultés pour exercer leur métier, les syndicats enseignants ont décidé d’une journée de grève le 10 Novembre pour obtenir du gouvernement des actes et plus seulement des déclarations de compassion.

C’est parce qu’i l y a urgence à ce que le travail qu’ils réalisent soit reconnu, c’est parce que l’éducation est un enjeu majeur pour notre société que nous soutenons leur mouvement social.

Enfin, association complémentaire de l’école nous sommes engagés à leurs côtés pour que  les élèves s’ouvrent aux  autres, pour leur  permettre la découverte du monde qui nous entoure, notamment par le développement de l’esprit critique nécessaire au principe de laïcité en France.

Ce sont elles et eux qui, à l’instar de leur confrère sauvagement assassiné à Conflans Sainte Honorine, transmettent un regard critique sur notre société leur permettant de comprendre et d’appréhender la complexité de notre monde.

Autour du 9 décembre aura lieu la semaine de la Laïcité organisée par la Ligue de l’enseignement, nous sommes fiers d’agréger leurs nombreuses initiatives et de les valoriser pour faire que demain la République ne soit pas qu’une incantation mais une réalité vécue et que la vie de leur collègue ne soit pas perdue en vain.

 

 

 

 

Bruno VERBEKEN
Président de la Fédération du Nord