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édito special confinement #8 / Mai 2020

Déconfinement et rentrée scolaire, l’injonction du moment face aux réalités

Nous y sommes, le Gouvernement a décidé de réouvrir les crèches, les écoles maternelles et élémentaires, contre l’avis du conseil scientifique, qui préconisait d’attendre septembre. C’est une rentrée à plusieurs vitesses qui se profile cette semaine dans les écoles françaises, une reprise qui s’apparente à l’un des chantiers les plus périlleux et incertain du déconfinement.

Orchestrée par les communes, en lien avec la communauté éducative, cette drôle de rentrée s’organise sur la base du volontariat pour les familles. Pour des raisons médicales ou privées, un certain nombre d’enseignants devraient aussi continuer de faire la classe “à distance”.
Encadrée par un protocole sanitaire extrêmement strict, cette reprise suscite bien des réactions.

Côté opinion, on a vu fleurir depuis les dernières annonces présidentielles des hashtags “Sans mon enfant”, “sans moi le 11 mai” sur les réseaux sociaux, signe que cette rentrée cristallise les inquiétudes, alors que le Gouvernement mise sur un protocole sanitaire strict pour rassurer enseignants et parents.

Pour aider les Maires donc, le Gouvernement a rédigé un protocole sanitaire très précis d’une soixantaine de fiches qui aborde dans le détail tous les aspects de la vie scolaire : nettoyage de la classe, comportement dans la cour de récréation, nombre d’élèves accueillis, matériel individuel pour chaque élève, port du masque pour les enseignants et personnels, adaptation de la cantine, transports scolaires …

Y aller, ne pas y aller ? Depuis dix jours, c’est la question que les parents se posent en boucle. Basée sur le volontariat donc, cette rentrée scolaire, à compter du 12 mai, a laissé bon nombre de parents dans l’expectative

Du « sur-mesure », du « cas par cas » et surtout « en concertation avec les familles », côté petite enfance, les gestionnaires de crèches sont également en première ligne. Une multitude de décisions et de mesures très concrètes réorganisent l’accueil des parents dans le respect des règles de distanciation sociale, allant de la fréquence de désinfection des espaces et des jouets, à la modification du protocole d’accueil d’un nouveau bébé parmi les enfants …

Pourtant, en matière sanitaire, nombre de directeurs d’école s’inquiètent de l’absence de réelles protections fournies aux personnels des écoles. Des carences subsistent : pas de dépistage systématique prévu pour les personnels et les élèves, aucun masque FFP2 non plus. Dans la plupart des établissements scolaires, les masques grand public promis pour les personnels et le gel hydroalcoolique ne sont pas arrivés.

Selon le conseil scientifique cette rentrée pose question sur le plan sanitaire. Les experts indiquaient dans une note du 20 avril, “En l’état actuel des connaissances au plan épidémique, le risque de formes graves est faible dans cette population les enfants. Le risque de contagiosité individuelle chez les jeunes enfants est incertain, mais paraît faible. A l’inverse, le risque de transmission est important dans les lieux de regroupement massif que sont les écoles et les universités, avec des mesures barrières particulièrement difficiles à mettre en œuvre chez les plus jeunes”.

Alors donc, fallait-il s’exposer à ce point et réouvrir les écoles le 11 mai alors que l’épidémie du coronavirus n’est pas encore derrière nous ? Fallait-il aller à l’encontre de l’avis du Conseil scientifique ? Y a-t-il un risque de regrouper les enfants dont la contagiosité reste controversée voire mystérieuse selon les épidémiologistes ?

Pourtant pour de nombreux parents, cette reprise de l’école s’impose d’elle même. Sapeur-pompiers, facteurs, infirmiers, aides à domicile, livreurs, chauffeurs … celles et ceux qui, depuis le début de l’épidémie, ont sacrifié leurs vies de famille pour effectuer au mieux leur travail n’auront pas d’autres choix que de mettre leurs enfants à l’école. De même, dans les familles monoparentales, ou encore dans les foyers où un seul salaire ne rentre et qu’il faut compléter par des formes de travail informel, l’école et le retour à la cantine seront certainement une bouffée d’oxygène pour les budgets des ménages les plus faibles, notamment dans notre Département.

Autre motif d’inquiétude, les règles imposées par le protocole sanitaire national sont si contraignantes que de nombreux enseignants estiment que la situation sera maltraitante pour les enfants. Pour les directeurs d’écoles maternelles et élémentaires difficile de garantir le respect des distances de sécurité dans les couloirs ou dans les cours de récréation. L’application très concrète du protocole sanitaire dessine une école déconcertante, étouffante, où les enfants ne se donneront plus la main, dans laquelle ils ne joueront plus ensemble.

Irrémédiablement, nos enfants ne joueront de la même manière et leur comportement, accompagné vers la socialisation, à l’école sera entravé par des règles qu’ils ne comprendront probablement pas, dans un premier temps. Plus de jeux de tapis, plus de jeu de société, plus de jeu de construction, plus de jeu pédagogique, plus de pâte à modeler, il leur sera aussi interdit de grimper sur les structures collectives ou de jouer au ballon lors des récréations.

Est-ce cela l’école pour laquelle nous nous sommes battus ?

Depuis la fin du mois d’avril et l’annonce par le Premier Ministre d’un retour progressif à l’école dès le 11 mai, de nombreux maires montent au créneau pour exprimer leurs craintes face à cette décision. Impossibilité de respecter les règles sanitaires, difficultés à appliquer les mesures partout sur le territoire, risque pénal ; ces cas de maires ne souhaitant pas rouvrir leurs écoles se multiplient.

Retrouvez la carte interactive des communes des Hauts de France et les spécificités de chacune des communes, dans le cadre de la réouverture des écoles. https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1FRmvYRtEcAXB3EIRKVebxmhnMG-fe_m1&ll=50.597955595383034%2C2.860641499999929&z=8

A l’occasion de cette dernière Newsletter spéciale confinement, nous sommes allés à la rencontre, à distance, d’élus locaux, de parents d’élèves et d’enseignants. Nous avons collecté leurs témoignages, en vue de comprendre et donner à voir la façon dont les choses se sont organisées, sur le terrain. Vous découvrirez ces entretiens dans notre dossier spécial déconfinement.

 

 

 

Bruno VERBEKEN
Président de la Fédération du Nord