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Edito – INFOLIGUE 59 Spéciale Confinement #05 / Avril 2020

Après le Covid-19, quelle transition écologique ?

 

Le projet de loi de finances rectificative 2020, voté ce vendredi 17 avril à l’Assemblée nationale, va mettre à disposition une première enveloppe de 20 milliards d’euros pour le sauvetage de grandes entreprises stratégiques, telles qu’Air France, Renault ou le parapétrolier Vallourec.

Dans un communiqué, les Amis de la Terre, Greenpeace et Oxfam se sont alarmés qu’aucune condition ne soit posée au versement de ces aides publiques, alors qu’elles pourraient renflouer des entreprises polluantes, qui contribuent fortement au dérèglement climatique.

La crise du coronavirus nous impose de penser l’avenir. Nous pouvons choisir le retour en arrière et investir dans l’économie et les énergies du passé, destructrices pour l’environnement et le climat. Ou alors, nous pouvons choisir de faire un bond en avant en accélérant la transition vers un autre système énergétique, renouvelable et économe en énergie, plus démocratique, créateurs d’emplois et de bénéfices pour les peuples.

N’est-il pas venu le temps d’imposer à l’industrie de nouvelles règles ? Ne vivons-nous pas un moment charnière historique pour accélérer la sortie du pétrole ? Ne sommes-nous pas au terme d’un cycle, celui qui impose l’arrêt du capitalisme à outrance dans notre monde globalisé et rendu vulnérable ? L’idée du libre-échange ne s’est-elle pas dégradée au point d’être exacerbée par un profit aveugle et anonyme ? Quand l’humanité cessera-t-elle de vivre à crédit sur le compte des générations futures ?

Parmi les puissants, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ressortent d’ores et déjà comme les grands gagnants de la crise actuelle. En quelques semaines, ces hydres se sont rendues incontournables dans chaque aspect de nos vies confinées : le travail et l’enseignement à distance, la communication avec nos proches, l’accès à l’information et au divertissement, les achats en ligne, la livraison et même les téléconsultations médicales.

Et pourtant, comme une fuite en avant, quelle incroyable source de pollutions induites !

Afin d’enrayer cette périlleuse machine à polluer, nous devrions adopter individuellement et collectivement une forme de sobriété numérique, en faisant le tri parmi les innovations qui nous sont chaque jour proposées, en apprenant à réparer et à recycler les matériels qui peuvent l’être plutôt que de les jeter, et en mettant toutes les technologies nouvelles au service de l’environnement plutôt que l’inverse.

Un récent rapport du GIEC (Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) souligne de son côté que les besoins d’investissements dans le système énergétique se situent à 2,5 % du PIB mondial jusqu’au moins 2035 afin de rester dans la cible des 1,5 Degré Celsius de réchauffement.

Avant la crise du COVID, le récent « Pacte vert » de l’Union européenne visait à investir 1,5 % du PIB d’ici à 2030, quand le « Green New Deal » nord-américain se chiffrait aux environs de 2 % du PIB.

Avec de tels montants combinés aux plans massifs à venir pour compenser les effets du COVID sur l’économie, et sans sous-estimer les besoins économiques et sanitaires urgents, on regrettera longtemps le fait de ne pas saisir une telle occasion en conditionnant une partie de ces dépenses aux investissements nécessaires à une transition socio-écologique menant à un nouveau modèle de développement.

Les vraies solutions pour respecter nos engagements climatiques sont à portée de main : à condition d’investir massivement dans les transports publics, la rénovation des logements, l’optimisation de systèmes de chauffage, l’efficacité énergétique, la sobriété dans les modes de consommation, et les énergies renouvelables.

Dans ce contexte, nous redécouvrons l’importance de l’État. Il est néanmoins frappant de constater que le financement de la transition socio-écologique soit à ce point ignoré dans ces programmes d’urgence, alors même que la crise écologique constitue l’enjeu principal de politique mondiale de ce siècle. Pourtant, comme toute crise, la crise sanitaire et économique actuelle pourrait même être utile si elle offrait les moyens de répondre à la crise socio-écologique à une échelle et une rapidité inégalée.

Militants associatifs et acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire, nous sommes convaincus que tous ces investissements sont porteurs de bénéfices pour l’économie et la société : moins de précarité énergétique, moins de dépenses pour les ménages, moins de pollution de l’air et de problèmes sanitaires, moins de déchets, moins d’extraction de matières premières, plus d’emplois et de bénéfices non-délocalisables.

Des plans de relances de milliers de milliards d’euros sont en préparation dans le monde et en France : investissons pour poser les bases d’un système énergétique plus soutenable et démocratique, et assurons-nous qu’il ne viendra pas soutenir les industries les plus polluantes.

Il est impératif de veiller à ce que nos décideurs ne profitent pas du plan de relance après cette crise du coronavirus pour renflouer l’ancien système et sauver les énergies du passé. Les piliers de l’économie du jour d’après doivent être climatiques, écologiques et sociaux.

Nous en sommes convaincus, le soutien de l’État doit avoir pour seuls objectifs le maintien de l’emploi et la transition écologique.

 

 

Bruno VERBEKEN
Président de la Fédération du Nord