Jacques Descorde, auteur, metteur en scène, comédien, directeur artistique de la compagnie des Docks. Jacques Descorde intervient chaque semaine au collège Jean Moulin de Berck dans le cadre de notre dispositif “Arts de la Scène au Collège”.
” Ce matin, j’ai rendez-vous avec des profs dans un lycée. Enfin je veux dire jusque-là à l’instant T où je vous écris ce rendez-vous est maintenu en sachant qu’il peut très bien sauter puisqu’il a déjà été reporté cause Covid, un des profs était positif. Il peut très bien sauter comme le rdv de cet après-midi avec les services de la politique de ville de l’agglo qui lui a déjà été reporté deux fois. Mes deux spectacles également ont été reportés de l’automne au printemps, tout en me disant qu’au printemps on verra bien. Et je ne parle pas du développement vacillant de la production du prochain spectacle pour la saison…prochaine ? ou dans deux ans ? ou tiens en 2037 ? Je trouve cette période plus terrible encore que le premier grand confinement. Au moins pendant le grand confinement c’était clair nous ne pouvions rien faire mais là après le déconfinement de cet été et maintenant avec ce drôle re-confinement mou-mou, je crois pouvoir encore un peu et puis en fait non peut être pas vraiment ou pas du tout faut voir. Tout ce que j’entreprends est sous conditions. Mais vous pouvez encore répéter ! qu’on nous dit. Oui c’est vrai nous pouvons encore faire ça mais bon répéter pour répéter bon. Quand je vois tous ces spectacles qui se créent sans public. J’en perdrai presque l’envie, le sens, le goût des choses. Mais bon allez ! Haut les coeurs ! Il faut s’accrocher ! On ne va pas se laisser abattre ! Faisons de la résistance ! Et pas de la résilience hein de la résistance ! Car pour ma part je n’en peux plus d’entendre ce mot. Résilience. Sur toutes les chaines TV et les radios, ils en ont tous plein la bouche de ce mot-là. Alors que les hôpitaux n’en finissent plus de vomir leurs morts, ils reprennent pendant ce temps allègrement tous en choeur et sans relâche ce nouveau mot à la mode. C’est à celle ou celui qui le prononcera le plus grand nombre de fois le temps d’un interview, d’une émission comme si le seul fait de le répéter à l’infini nous sauverait du déluge et que déjà la catastrophe en cours n’existe plus. Que déjà le croque mort qui nous rend visite chaque soir à la télé pour nous faire le détail du carnage de la veille n’est plus qu’un fantôme du passé. Que l’économie du pays déjà doit reprendre coûte que coûte ses points de croissance perdus en chemin et qu’il faut pour ça sans attendre penser l’après et tout de suite. Mais moi je ne veux pas penser l’après et tout de suite. Et puis d’abord ce sera quand l’après ? Je veux penser ici et maintenant comme le cours que je vais donner tiens cet après-midi (et celui-là pour le moment est maintenu c’est confirmé) à des élèves de cinquième au collège Jean Moulin à Berck sur mer. Me sentir, avec eux, vivant, ici et maintenant !”