A l’heure où j’écris ces mots, la guerre fait rage.
Les villes ukrainiennes sont assiégées, envoyant à ce jour 2 millions et demi d’Ukrainiens sur les routes en proie à la terreur d’une armée russe qui n’hésite pas à terroriser une population pour la dissuader de résister.
Ces femmes, ces hommes, ces enfants quittent leur pays pour trouver refuge à l’étranger, laissant le plus souvent à la destruction le peu qu’ils avaient construit. Des civils sont les cibles des bombes russes, des hôpitaux et des maternités sont détruits, des enfants sont tués.
Dans les pays du monde entier, hormis ceux soumis à une dictature, l’indignation est forte devant une telle agression qui nous renvoie aux pires périodes de l’histoire européenne : l’invasion des Sudètes et de la Pologne par Hitler en 1939, l’invasion de la Hongrie en 1956 par Staline et celle de la Tchécoslovaquie en 1968 par les chars russes de Brejnev suite au printemps de Prague et à l’aspiration à la démocratie du peuple tchécoslovaque.
Pour celles et ceux qui sont contraints à l’exil, c’est une nouvelle épreuve qui est devant eux, celle de tous les migrants qui, quelles que soient leurs origines, se voient confrontés aux difficultés d’accueil, de simple survie, même si pour les ukrainiennes et les ukrainiens, l’élan nécessaire de fraternité et de solidarité a été spontané. Tout en saluant cet élan de solidarité, on peut légitimement s’interroger sur le fait que les syriens soumis aux bombardements des avions russes, les afghans terrorisés par les talibans étaient alors considérés indésirables.
Y aurait-il 2 poids 2 mesures selon que l’on est blancs et chrétiens ou basanés et musulmans
Aujourd’hui, ce sont tous les peuples européens qui se sentent fragilisés, à la merci d’un dictateur qui joue sur l’équilibre de la terreur pour, osons le dire, annexer purement et simplement un pays souverain au gouvernement démocratiquement élu, au nom de la reconstitution du grand empire Russe.
Mais à juste titre, devant un tel cynisme, une telle détermination, on est endroit de s’interroger jusqu’où sa folie destructrice le conduira.
Face à l’émotion, face à la sidération provoquées par une agression qu’on pensait impossible, il est important de réfléchir et de prendre du recul pour comprendre et se donner les outils pour qu’une telle situation ne se reproduise plus jamais.
C’est ce à quoi Edgar Morin nous invite en nous disant « qu’il ne suffit pas de s’indigner ni de s’engager, il faut aussi penser et comprendre le monde qui nous entoure ».
Après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’Union Soviétique, l’Europe imaginait qu’une nouvelle époque s’ouvrait pour davantage de fraternité, de collaboration et de démocratie pour les peuples européens, notamment pour ceux des pays entrés progressivement dans l’Union Européenne. Seule l’Ukraine est restée sur le bord du chemin dans un marché de dupes avec Vladimir Poutine.
Son peuple en paie aujourd’hui un lourd tribut, fait de morts innocents et de vies brisées.
Aujourd’hui, alors que la société se délite, que le lien social se distend, que l’individualisme se développe, que nos concitoyens se détournent de la chose publique, nous mesurons combien les libertés collectives, la démocratie, résultats de luttes sociales et de compromis politiques, sont des biens précieux qui peuvent à tous moments être remis en question.
A cet égard, la situation en Ukraine voulue par le despote d’un état autoritaire, vient nous interroger sur ce qu’il adviendrait en Europe si les mouvements d’extrême droite nationalistes et xénophobes devenaient majoritaires.
Cela fait froid dans le dos quand, en France, les 2 mouvements d’extrême droite totalisent plus de 30% des voix pour la présidentielle et qu’ils ont encore, très récemment, montré une grande admiration pour Vladimir Poutine.
La guerre en Ukraine vient nous rappeler combien l’Europe, critiquée à juste titre pour ses dérives ultralibérales et technocratiques, est notre meilleur rempart pour sauvegarder nos libertés et nos démocraties. Ce sont les Ukrainiens qui, par leur résistance héroïque, nous montrent la nécessité d’une Europe politique.
L’Europe, c’est bien sûr un territoire géographique, une histoire commune complexe et conflictuelle, mais aussi et surtout un ensemble de paix construit sur la démocratie et la liberté.
Il est évident que les états ont oublié cette dimension pour ne voir dans l’Europe qu’un grand marché. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine, la crise climatique, démocratique et sociale doivent interroger l’éducation populaire. A nous d’accompagner nos concitoyens pour les rendre acteurs de la construction d’une Europe qui soit un grand projet collectif répondant aux grands enjeux de la transition écologique démocratique et sociale.
Les corps intermédiaires, les associations, les mouvements d’éducation populaires sont les outils nécessaires pour amener nos concitoyens à s’exprimer et s’impliquer dans ce grand projet.
Encore faut-il leur donner toute la place et les moyens nécessaires à leur implication, ce qui est à l’opposé des politiques publiques menées ces dernières années !
Au vu de l’urgence de la situation, il est temps que les débats de la présidentielle s’emparent de ces sujets.
Au quotidien, nos associations s’impliquent pour faire vivre les valeurs de la République pour innover, pour amener nos concitoyens à devenir des acteurs de la création de lien social, à donner des perspectives face aux enjeux fondamentaux de notre société. Nous rendons compte de la richesse de leurs initiatives lors de semaines thématiques. Autour du 9 Décembre, la semaine de la laïcité, début juin la semaine de l’écocitoyenneté et du 14 au 21 Mars « Faites la Fraternité » .Le temps fort de cette semaine se déroulera le 18 mars matin sur le thème Droits de l’homme et migrations , un thème choisi bien avant l’invasion de l’Ukraine mais qui prend toute sa résonnance aujourd’hui.
Lors de toutes les guerres d’annexion, aucune grande puissance n’a su faire plier un peuple qui lutte pour ses valeurs et son histoire.
Honneur et gloire au peuple Ukrainien et à son Président qui, en résistant dans des conditions atroces, défendent pour nous nos valeurs, notre démocratie et notre liberté.
A nous d’en être dignes et de tout faire pour les soutenir et accueillir dignement celles et ceux qui n’ont d’autre choix que de fuir.
Bruno VERBEKEN
Président de a Ligue de l’enseignement du Nord