Avec 11 millions de voix accordées à Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont Aignan, l’extrême droite atteint un record jamais égalé lors des 10 dernières élections présidentielles de la Vème République.
Les élections sensées apporter de l’espoir, de l’enthousiasme et du renouveau convoquent encore une fois un second tour autour des idées du passé : la rigueur ou le repli identitaire.
Nous produisons sans cesse mieux et plus, mais les inégalités se sont creusées entre les plus riches et plus pauvres. La campagne électorale n’a pas été à la hauteur des enjeux de notre société. Des politiques ultralibérales et autoritaires menées depuis de nombreuses années, le mépris des corps intermédiaires et de la société civile, des partis traditionnels à bout de souffle plus préoccupés de leur survie, des visions politiques à court terme, tels sont les ingrédients qui ont amené les électrices et les électeurs à se détourner de l’élection.
Pire c’est sur ce terreau que prospèrent les idées simplistes de l’extrême droite qui font de l’autre, de celui qui est différent, le responsable de tous les maux de la société.
Et ce n’est pas l’habillage social des propositions de Marine Le Pen et son lifting médiatique, avec photographies de chats et ton mielleux, qui changent le fond du programme. Tout le monde sait qu’un lifting n’a pour effet que de faire disparaitre les rides pour mieux séduire, et que très rapidement réapparaissent les rides du passé. Et pour Marine le Pen nous connaissons ces rides : ce sont ses proximités avec l’extrême droite radicale, sa sympathie pour Victor Orban ou l’ultra-droite polonaise qui remettent en cause l’état de droit.
Nous sommes à un tournant de notre histoire, Marine le Pen est en position de devenir présidente de la République Française
Comme l’exprime clairement notre mouvement : face à cette réalité, on ne peut tergiverser, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ce n’est pas blanc bonnet et bonnet blanc.
Avec Marine Le Pen au second tour, c’est notre modèle républicain qui est en danger.
Que celles et ceux qui sont tentés par l’abstention, et dont nous comprenons les déceptions, réfléchissent au poids de leur bulletin de vote.
Comme le disait Churchill : « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Aujourd’hui, les Ukrainiens et les Ukrainiennes ainsi que les Russes qui tentent simplement de vouloir s’exprimer et qui sont arrêtés et emprisonnés, connaissent le prix de la démocratie.
Ne laissons pas l’extrême droite revenir sur ce bien précieux que nous avons acquis depuis 1789 et pour lequel un mouvement comme le nôtre a pris toute sa place dans sa construction.
Cette histoire dont nous sommes fiers nous donne la responsabilité de dire tout net que l’extrême droite est un poison, et surtout, qu’elle n’est pas un parti comme les autres. Lui donner les moyens de mettre en œuvre son programme c’est accepter que demain notre pays fonctionne sur la base de la détestation de « l’Autre » : l’étranger, l’homosexuel, la femme, le pauvre, le musulman, la militante des Droits de l’homme …
C’est prendre le risque d’un blocage institutionnel dès les élections législatives. C’est faire le choix de la paralysie économique, de la régression sociale et de la passivité écologique. Enfin, c’est tourner le dos à l’Europe.
C’est pourquoi la Ligue de l’enseignement appelle, non pas à voter pour le meilleur, mais à éviter le pire en faisant battre Marine Le Pen, ce qui nécessite de repousser toute tentation d’abstention ou de vote blanc en votant Emmanuel Macron.
Dans un tel contexte, il faudra que le président actuel montre sans ambiguïté qu’il a compris le message du premier tour. Car les adhérents de la Ligue de l’enseignement ne sont pas dupes. De trop rares actions menées durant le dernier quinquennat peuvent être jugées positives et la Ligue a des désaccords de fond sur de nombreux sujets importants sur lesquels elle ne cédera rien : justice sociale, politique éducative et de jeunesse, laïcité, politique associative, dialogue civil, politique culturelle, accueil des réfugiés, urgence écologique, politique sportive pour tous …
La Ligue de l’enseignement s’engagera, avec les mouvements d’éducation populaire et l’ensemble des organisations associatives, mutualistes, syndicales et politiques du champ républicain, à un dépassement individuel et collectif.
Elle invite les forces de la société civile, dès l’issue de ces élections présidentielles, à s’impliquer activement dans la refonte d’un pacte civique et social pour revivifier véritablement et durablement la République.
Fidèle à son histoire, elle prendra toute sa place et ses responsabilités dans cette démarche qu’elle inscrit dans le seul intérêt général.
Bruno VERBEKEN
Président de la Ligue de l’enseignement du Nord