Chers amis,
Merci à vous d’avoir répondu à notre appel et d’être présents ici ce soir.
Pour nous, il ne s’agit pas seulement de satisfaire à une tradition, c’est aussi l’occasion d’une rencontre et d’un échange que nos obligations quotidiennes nous empêchent de réaliser plus souvent.
Tout d’abord donc et au nom du Conseil d’administration de notre Fédération, à toutes et à tous, j’adresse nos vœux de bonheur les plus chaleureux, pour vous et pour tous ceux qui vous sont chers. Pour la Ligue de l’Enseignement, nous souhaitons que l’année 2020 soit une année où de réelles conditions du « vivre ensemble » soient instaurées. Autant qu’en 2019, je reste persuadé que l’utopie d’aujourd’hui sera la réalité de demain.
Ces vœux peuvent paraître décalés au milieu d’une actualité qui ne nous laisse pas indifférents. Cette actualité nous oblige, au contraire, à réactiver la parole de Jean MACÉ à la fondation de notre mouvement : « la Ligue poursuit un but essentiellement politique, mais elle ne s’occupe ni de politique, ni de religion, elle ne s’occupe que de l’éducation au suffrage universel, non pour faire des élections mais des électeurs, non pour faire des candidats mais des citoyens ».
Voici donc une nouvelle année qui débute, avec une planète qui se dégrade de plus en plus vite dans un pays où le pessimisme de nos concitoyens prend de plus en plus de place, dans un climat social très perturbé.
La révolte des gilets jaunes a réactualisé un double questionnement national, celui des causes de la paupérisation croissante d’une majorité de français et celui de l’accroissement des inégalités sociales, financières et culturelles singulièrement marquées sur nos territoires. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut cumuler les ressources de près de quatre milliards de personnes pour obtenir l’équivalent de ce que possèdent les vingt-cinq personnes les plus riches.
Qui a dit que la lutte des classes n’était plus de ce temps ? Elle a simplement été inversée.
Dans le dossier de la réforme des retraites, extrêmement impopulaire, le gouvernement multiplie les provocations. Après cinq semaines de manifestations, les appels à discuter ressemblent à des mauvaises blagues. Appeler les syndicats à une concertation alors que le projet de réforme est déjà au Conseil d’Etat, ou à une conférence sur le financement des retraites sans ouvrir la porte à la hausse des cotisations…
Dans ce contexte où le réformisme prend le pas sur le sens des dispositifs publics en place, méfions-nous de ceux qui font preuve d’un grand zèle pour réorganiser et rendre compétitif l’action publique. Méfions-nous de l’apparition d’une chimère, cette « mystique républicaine et laïque ».
Mystifier les valeurs des institutions a toujours été une potentielle recette pour le totalitarisme et le fonds de commerce des adeptes de l’obscurantisme.
Ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui réduisent leur soutien au monde associatif, pourtant en première ligne comme ciment du vivre ensemble ?
Est-ce là la version d’une fraternité républicaine que le Gouvernement nous propose ?
La Fraternité est une partie intégrante de notre devise nationale : Liberté, Égalité, Fraternité.
C’est un principe républicain fondamental. Mais quel sens lui donner, pour finalement l’incarner ?
Si je faisais le test en vous interrogeant, il se pourrait qu’il y ait une définition propre à chacune des personnes présentes ce soir.
C’est une notion ambiguë, que nous avons le sentiment de bien connaître, mais qui est en partie indéfinissable. Pourtant, ce mot est inscrit en lettres capitales sur les frontons des mairies et des écoles publiques, dans l’ensemble de notre pays.
Fédération d’associations, acteurs du monde de l’éducation populaire, quelles sont nos obligations auprès de nos publics et aux côtés des pouvoirs publics pour donner corps à cette notion républicaine ?
Pourtant, régulièrement, on y revient, sur les plateaux télé, dans les journaux, sur internet, dans nos AG, nos réunions de CA, les projets pédagogiques ou nos réponses aux appels à subventions … sans pour autant y consacrer des temps dédiés qui nous permettent de réinterroger collectivement ces fondamentaux. C’est un travail essentiel !
Chers amis, n’oublions pas que la République est aussi censée être « sociale ». Il s’agit de bon sens. C’est là que le principe de fraternité devient central.
Dans toute société digne de ce nom, il existe une obligation de solidarité. Elle se traduit par l’existence de dispositifs visant, par exemple, à assurer un secours à ceux qui sont dans le besoin ou en danger, à organiser un système de santé publique, à indemniser ceux qui connaissent des situations de chômage contre leur volonté, à assurer l’existence de ceux qui ne sont plus en état de travailler, à offrir un asile à ceux qui ne sont plus capables de gérer seul leur existence – et d’une manière générale à contribuer par l’impôt aux nécessités collectives.
Plus simplement, c’est la fraternité qui introduit de l’humanité dans l’espace républicain.
Et l’école dans tout ça ? Les cours d’écoles sont-elles réellement des espaces d’apprentissage de la fraternité ?
Inévitablement, les enseignants y sont confrontés chaque jour, eux qui au quotidien gèrent les différences et apprennent aux enfants à composer avec leurs propres représentations, ou celles transmises au contact de leurs parents.
La Ligue de l’enseignement, et plus particulièrement la Fédération du Nord, doivent renforcer l’effort dans ce lent processus qui conduit les plus jeunes et moins jeunes vers le statut de citoyen. Vivre ensemble, cela ne se décrète pas.
Faire société, les uns avec les autres, cela s’apprend et il faut constamment en cultiver les fruits.
En 2020, nous allons nous mobiliser fortement, avec les associations affiliées, nos partenaires, les collectivités et l’ensemble des membres de notre réseau afin de créer un grand temps de partage et d’initiatives collectives autour de la question de la Fraternité.
Les équipes de salariés de la Fédération travaillent d’ores et déjà dans ce sens.
C’est donc toute une semaine que nous aurons l’occasion de vivre ensemble au mois de mars, autour de la date du 21 mars, décrétée par l’ONU en octobre 1966 comme la « Journée internationale de lutte contre les discriminations raciales ».
Le 24 janvier, toute la journée, nous travaillerons à programmer une semaine complète d’actions pour le printemps, au centre social du Faubourg de Béthune à Lille, en plein cœur d’un des quartiers les plus concernés de la Métropole lilloise.
Nous invitons donc les associations, mairies et établissements scolaires du département à s’associer à notre fédération pour mettre en place une semaine festive d’éducation à la diversité́, aux cultures plurielles et à la lutte contre les discriminations. Cette semaine sera guidée par la volonté́ d’éveiller les consciences et de les mettre en mouvement, afin que chacun puisse prendre conscience de l’autre, tout en respectant les différences.
Tous les acteurs du département sont invités à y participer en proposant une animation sur le thème de l’éducation à la diversité́ et aux cultures plurielles, de la lutte contre le racisme et les discriminations et de la fraternité́ comme support du vivre ensemble.
Chers amis, avant de trinquer ensemble à cette année qui débute, je forme des vœux de participation active aux activités de toutes les associations qui œuvrent au quotidien pour plus de justice sociale, pour un meilleur accès de tous à la culture, aux sports, aux loisirs.
Des vœux de réussite pour toutes ces actions. Des vœux de satisfaction, d’enrichissement et d’épanouissement pour tous les bénévoles qui, sans compter leur temps, de manière désintéressée, font vivre ces associations.
Que 2020 soit pour vous toutes et tous une belle année aux côtés de notre fédération qui, je vous le rappelle, est à votre service pour vous aider à mener à bien toutes vos initiatives, et, à vos côtés, lutter pour conforter la laïcité, qui a plus que jamais besoin de mixité sociale et d’une lutte sans merci contre toutes les inégalités et discriminations.
Je terminerai en reprenant le message qu’un de nos administrateurs m’a envoyé et qui illustre notre carton d’invitation à ces vœux.
« Nous restons et devrons rester une main tendue et ouverte et fermer le poing quand il faudra le lever pour défendre notre République et la laïcité. »
Merci André pour ce message symbolique et, à nouveau, merci à vous d’être présents ce soir.
Bruno VERBEKEN
Président de la Fédération du Nord
Janvier 2020 / Fédération du Nord de la Ligue de l’enseignement