Rencontre avec Jean-Paul Delahaye, ancien directeur de l’administration centrale de l’Éducation nationale, membre du Bureau de La Ligue de l’enseignement.
Jean-Paul Delahaye a été nommé DGESCO (Directeur général de l’enseignement scolaire) mercredi 21 novembre 2012. Il a démissionné de ses fonctions fin avril 2014. Il était auparavant conseiller spécial de Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale depuis mai 2012. Inspecteur général de l’éducation nationale depuis mars 2001, il est diplômé d’un doctorat en sciences de l’éducation.
Quelles sont les conséquences du confinement pour les familles les plus pauvres ?
Pour les familles pauvres et leurs enfants, le confinement est une catastrophe. D’abord parce que l’école, on l’oublie quand on ne connaît pas la vie de nos concitoyens pauvres, n’est pas seulement le lieu des apprentissages. L’école est aussi une institution d’aide aux familles, une possibilité de restauration le midi à des prix modiques, un premier recours face aux situations de détresse sociale, un point de médiation entre les familles et les organismes chargés de la politique médicale et sociale, un lieu où s’élaborent des solutions grâce à l’engagement et à la vigilance des personnels de l’éducation nationale. C’est tout cela qui disparaît avec la fermeture des écoles.
Comment la continuité pédagogique accroit les inégalités ?
La continuité pédagogique n’existe pas ou alors très difficilement pour les enfants des pauvres. Les inégalités ne peuvent que s’accroître si on compare la situation des enfants des milieux populaires avec la situation de enfants des classes moyennes ou favorisées qu’on nous montre tous les soirs à la télévision : des parents qui peuvent accompagner le travail personnel de leurs enfants, des enfants à l’aise sur leur tablette ou ordinateur et leur imprimante familiale, qui disposent d’une chambre personnelle et qui peuvent être en contact sans difficulté avec leurs enseignants. Ce n’est pas dans ce monde-là que vivent les pauvres.
Que pensez-vous des vacances apprenantes évoquées par le Ministre de l’éducation nationale ?
Ces séjours peuvent être une réponse à la discontinuité pédagogique dont ont souffert les élèves pendant le confinement. Mais cette réponse ne peut être que construite par les acteurs de terrain, associations et collectivités. Plusieurs conditions doivent donc impérativement être remplies :
- – que les organisations et mouvements d’éducation populaire, donc la Ligue de l’enseignement, dont c’est la vocation historique soient associés à l’initiative dès le début du processus ;
- – que le projet soit réellement éducatif avec des apports culturels, sportifs et qu’il ne soit pas uniquement centré sur du soutien scolaire ;
- – que l’encadrement (enseignants volontaires, éducateurs) soit, sur chaque site retenu, partie prenante du projet de « colonie éducative »;
- – enfin, que la gratuité (séjour et transport), décidée sur des critères sociaux, soit assurée aux familles les plus démunies. L’argent consacré inutilement au SNU trouverait là une utilisation répondant pleinement aux impératifs du moment.
Retrouvez les dernières interventions de Jean Paul DELAHAYE dans la presse :
Le confinement, une catastrophe pour les enfants pauvres : https://www.liberation.fr/debats/2020/04/01/le-confinement-une-catastrophe-pour-les-enfants-pauvres_1783813
Des « colonies éducatives » ? Chiche ! : https://blogs.mediapart.fr/delahaye-jp/blog/090420/des-colonies-educatives-chiche