« Je suis d’une tribu qui nomadise depuis toujours dans un désert aux dimensions du monde. Nos pays sont des oasis que nous quittons quand la source s’assèche, nos maisons sont des tentes en costume de pierre, nos nationalités sont affaire de dates ou de bateaux »
C’est par ces mots qu’Amin Maalouf débute son livre « Origines » dans lequel il retrace l’histoire des siens, puis plus largement celle de la diaspora libanaise et en réalité celle de l’humanité qui n’a jamais cessé de se déplacer à la découverte où à la conquête de lieux nouveaux.
Il y a 10 000 ans, dans ce tournant majeur de l’humanité qu’on appelle le néolithique, le réchauffement climatique a conduit l’homo sapiens, essentiellement chasseur- cueilleur, à se sédentariser, passant d’une économie de la subsistance faite de chasse, de pêche et de cueillette à une économie de l’élevage et de l’agriculture lui permettant d’être moins dépendant des aléas de la prédation.
Cette maîtrise lui a permis d’accumuler et de conserver des produits agricoles et des animaux, permettant par la suite, les échanges…
C’est à cette époque de sédentarisation que sont construites les premières villes.
Les commerces commencèrent à fleurir et, avec eux, les échanges entre cités qui permettaient de pouvoir faire bénéficier aux différentes populations de ce qui était produit ailleurs. Cette grande aventure de l’espèce humaine a commencé dans ce qu’on appelle le croissant fertile de la Mésopotamie : la Syrie et l’Irak actuels.
Les premières cités-états furent des lieux d’échanges de marchandises mais aussi de cultures, de savoirs et de savoirs faire. C’est ce métissage, ces échanges qui permirent l’extraordinaire développement et l’extraordinaire richesse des grandes civilisations qui se succédèrent depuis le moyen orient, sur l’ensemble de l’Euro méditerranée, les Egyptiens, les Perses les Grecs et les Romains …
Nos religions, nos courants de pensées philosophiques, nos grandes mythologies, nos cultures sont le résultat de ces échanges.
Ces métissages et ces enrichissements culturels réciproques se sont poursuivis à travers l’Europe et la Méditerranée pendant l’Antiquité, le Moyen Age et la Renaissance jusqu’à notre époque contemporaine.
Que serions nous aujourd’hui, que seraient notre alimentation, nos modes de vie, notre culture sans ces apports successifs ?
Bien sûr l’accumulation des richesses a suscité des conflits et des guerres, motivés par diverses raisons économiques, religieuses ou politiques. C’est toujours le même scénario qui s’enclenche : utiliser les craintes légitimes d’un avenir incertain pour rendre l’autre, celui qui est différent, responsable de tous les maux et en faire un bouc émissaire.
C’est ce à quoi nous avons assisté dans les périodes les plus sombres de notre histoire.
Qu’en reste-t-il sinon du sang et des larmes ?
Aujourd’hui, des apprentis sorciers de l’extrême droite nous rejouent le couplet de la France des origines, une France rabougrie qui n’a jamais existé que dans des cerveaux malades dont les références font froid dans le dos.
Aujourd’hui, en cette période électorale où les surenchères identitaires parasitent le débat démocratique, il est plus que pertinent, de rappeler la devise républicaine que nous avons construit ensemble et qui comporte le mot FRATERNITE.
Cette fraternité commence par le devoir d’accueillir celui qui vient d’ailleurs, celui que les aléas de la vie à souvent fragilisé. Cela s’appelle l’hospitalité !
Le dictionnaire Larousse la définit ainsi : « Générosité, bienveillance, cordialité dans la manière d’accueillir et de traiter ses hôtes, par exemple, un peuple connu pour son hospitalité. »
L’hospitalité est donc le fait d’un peuple évolué dont la pensée universaliste s’apparente en France aux Lumières.
Nous sommes un mouvement d’éducation populaire et en tant que tel, nous estimons qu’il est nécessaire d’offrir une continuité à l’héritage de la pensée humaniste qui nous a précédé.
Faire la fraternité est donc essentiel et c’est pour cela que, malgré le courant dominant qui voudrait que nous vivions chacun pour soi, replié sur nous, incapables d’accueillir avec dignité ceux qui viennent chercher l’asile, nous avons décidé de mettre en place un évènement à portée départementale intitulé « Faites la Fraternité ».
Entre le 14 et le 21 Mars, plus de 150 initiatives portées par nos adhérents et nos partenaires seront mises en place.
Un temps fort se tiendra le 18 mars au centre social du Faubourg de Béthune à Lille où nous accueillerons nos amis :
- Ahmed GALAI, prix Nobel de la paix 2015 et membre de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme,
- Marie Christine VERGIAT, ancienne députée européenne et Vice-Présidente du comité central de la Ligue des Droits de l’Homme,
- Olivier CAREMELLE, Vice-Président de la Ligue de l’Enseignement du Nord, ancien directeur de cabinet du maire de Grande Synthe et auteur du livre « Par simple humanité » relatant l’histoire du camp de la linière à Grande-Synthe
- Eric FAVEY, Vice-Président de la Ligue de l’Enseignement nationale en charge de l’urgence écologique, des migrations, de l’Europe et de l’international
Nous vous attendons nombreux à cette journée sur le thème « Éduquer à la Fraternité ».
C’est un temps fort pour notre mouvement et, nous l’espérons … « un battement de cœur » pour toutes celles et ceux ceux qui participent à nos côtés à faire vivre la fraternité et, par elle, la République.
Bruno VERBEKEN
Président de la Ligue de l’enseignement du Nord