L’esprit Charlie, dans un contexte de liberté d’expression en recul et instrumentalisée, qu’en reste-t-il ?
Il y a cinq ans, des millions de citoyens se rassemblaient dans les rues de France pour affirmer leur solidarité avec les victimes de Charlie Hebdo, de l’Hyper Casher et les policiers tombés, tous assassinés au nom de l’obscurantisme et du terrorisme. Ils étaient assassinés parce qu’ils étaient libres, parce qu’ils étaient dessinateurs, journalistes, juifs, gardiens de la paix, et plus généralement parce qu’ils refusaient de se mettre à genoux face à ceux qui veulent nous priver de toute liberté.
Cinq ans après ces tueries, et malgré la vague internationale de soutien à la liberté d’expression qui verra plus d’une centaine de chefs d’états et leurs représentants défiler ensemble au-devant d’un million et demi de personnes à Paris, le dessin de presse reste un genre menacé dans le monde, entre des journaux de plus en plus frileux et des réseaux sociaux prompts à l’indignation.
Illustration, le New York Times a décidé en juin d’arrêter toute publication de dessins de presse dans les pages de son édition internationale, après une polémique liée à une caricature jugée antisémite. Faut-il y voir un recul ou un renoncement ?
A n’en pas douter, l’esprit Charlie est toujours vivant lorsqu’il s’agit de défendre la liberté d’expression. Pourtant, cette censure persiste aujourd’hui dans de nombreux pays, où des dessinateurs sont menacés, licenciés, poursuivis en justice, voire emprisonnés.
En France, et dans le Nord particulièrement, nous devons plus qu’ailleurs faire preuve d’une grande prudence quant à la manière dont nous manions la notion de liberté d’expression.
Certains protagonistes l’invoquent régulièrement, mais bien souvent lorsqu’elle sert leurs intérêts exclusifs. Faire société, cela implique de donner à chacun les moyens de se comprendre et de vivre ensemble. Les pensées extrêmes, qu’elles soient politiques, philosophiques, religieuses ou idéologiques doivent nous inquièter et nous mobiliser. Il nous appartient de les décoder et de les combattre par tous les moyens.
Danger également, cette tendance croissante au complotisme, en opposition à la liberté d’expression. Bien souvent, il s’agit plutôt d’une stratégie visant à instrumentaliser l’opinion public, à déconstruire les vérités et à tisser des mensonges en vues d’attiser les peurs. Résultats : replis sur soi, rejets des différences et discriminations.
Là encore, en la matière, nous devons innover et prendre des initiatives fortes aux côtés des acteurs publics.
Pourtant, en cette année d’élection municipale, plus que jamais c’est l’occasion de rappeler que les politiques publiques doivent permettre au plus grand nombre de supporter et encourager des dispositifs de sensibilisation, de décodage des médias et de l’information.
La citoyenneté n’est pas innée. Elle se construit alors que notre société est malade et menacée par ces formes d’obscurantismes, pour demeurer laïque et protectrice, la République doit favoriser une presse libre et indépendante, mais aussi elle doit éveiller chez les citoyen-nes un goût de l’exigence à l’égard de la presse.
Je suis Charlie, nous sommes Charlie, et cela implique, plus qu’une incantation, de vraies responsabilités qui nous amèneront tous cette année à faire des choix et voter pour les projets politiques de ceux qui travailleront à construire la société de demain.
Enfin, en ce début d’année, j’ai le plaisir de vous souhaiter, au nom des membres du Conseil d’Administration et de l’ensemble du personnel de la Fédération, une bonne année.
Tous nos vœux de bonheur, de bonne santé et de citoyenneté active et éveillée.