Voilà deux ans que le COVID 19 réduit le lien social et fait reculer notre activité, nous imposant de modifier nos modes de travail, nos moyens de transport, nos relations sociales et nos façons de vivre au quotidien.
Le digital, déjà omniprésent avant la pandémie, a pris une place encore plus importante dans nos relations, qu’elles soient professionnelles ou personnelles, contribuant ainsi à mieux nous enfermer dans un individualisme ou dans des communautés fermées et emprisonnées dans des logiques algorithmiques.
A la lumière des révélations sur les logiques qui animent les GAFA en matière de gestion des algorithmes, nous avons des sérieuses raisons d’être inquiets sur l’impact du numérique sur le fonctionnement démocratique de nos sociétés.
Il ne s’agit pas ici de rejeter en bloc l’outil numérique ni de nier son formidable potentiel à faciliter nos échanges ou à répondre aux enjeux du réchauffement climatique, mais tout simplement de rester vigilants face à la société du tout connecté et de l’uberisation de nos modes de vie.
Ne confondons jamais l’outil et son usage.
C’est pourtant ce à quoi nous assistons et dont nous avons été en grande partie complices tout simplement parce qu’avec la pandémie nous avons pensé que le « distanciel », comme on l’appelle, pouvait remplacer un spectacle vécu dans une expérience unique et partagée ou encore remplacer des temps d’échanges par une juxtaposition de monologues.
Les écrans partagés nous enferment dans des cases hermétiques et ne créent pas la richesse d’un échange fait de regards, d’attitudes qui, souvent, en disent beaucoup plus que de longs discours.
Si nos habitudes ont été modifiées, si le digital a pris une place prépondérante dans nos vies, il nous sera nécessaire de prendre du recul et de ne pas céder au confort et aux habitudes de l’enfermement.
Le risque est important de sombrer dans une société où l’outil numérique nous emprisonne, et que nous ne nous retrouvions à travailler à la maison, faire du sport et les courses de chez nous, boire l’apéro … le tout sous le contrôle des géants du numérique qui, sous prétexte de services rendus, ne nous considèrent que comme une source de données utilisées pour mieux nous transformer en consommateurs passifs et consentants.
Nous ne pouvons être simplement des travailleurs et des consommateurs.
La richesse d’une société ne se mesure pas en termes de PIB, de croissance et de performance. C’est d’ailleurs ce qu’Edgar Morin démontre parfaitement dans son livre « Enseigner à vivre » lorsqu’il décrit la mesure du bien être dans nos sociétés : ” au lieu de mesurer le bien être du fait que l’on se sente bien avec quelqu’un où les personnes qui nous entourent, les seuls indicateurs utilisés sont la croissance, la consommation et la satisfaction des ménages”.
N’oublions pas en ce moment de crise écologique majeure, qu’elle soit climatique ou de la biodiversité, que c’est le modèle de développement productiviste, ne satisfaisant les besoins que de quelques privilégiés, qui a favorisé la consommation à outrance dont nous subissons aujourd’hui les conséquences catastrophiques et dont la pandémie n’est qu’une des manifestations.
Si nous devons préserver les liens interpersonnels, il en va de même pour notre rapport à l’environnement.
Cette crise ne nous a pas encore invité à modifier nos modes de vie et pourtant il sera essentiel de le faire pour préserver toutes formes de vie sur notre planète.
Le sociologue Bruno Latour précisait en Décembre 2020 : « Si l’on a accepté pour un temps de multiplier les « gestes barrières » à la contagion d’un virus, je ne suis pas sûr que l’on soit prêt à accepter du même État l’imposition de gestes barrières pour favoriser la santé de la planète ! ».
La Ligue de l’Enseignement, mouvement historique d’éducation populaire doit s’engager pour que les naissances futures soient accueillies dans un monde où l’air est respirable, l’eau buvable, la terre nourricière et où l’humain sera le seul paramètre de la mesure de la durabilité de notre société.
Pour 2022 nous nous engageons à
- Restaurer la convivialité et le lien social pour que des rencontres fécondes renouvellent encore et toujours la fraternité par l’amitié et la pensée
- Repenser nos rapports à la nature pour que notre écosystème préserve la vie.
- Redonner à chacun le goût de l’avenir parce qu’une société aussi riche que la nôtre ne peut se suffire de l’égalité en droits mais en actes
Ne soyons pas pessimistes, tout ne dépend que de nous !
Regardons les tableaux du peintre Soulages. Ils sont d’un noir profond mais il y a toujours un trait de lumière qui illumine la noirceur de la toile et c’est ce qui en fait sa richesse.
A nous, aujourd’hui, d’être ce trait de lumière au cœur d’une nouvelle année qui commence dans la noirceur de la pandémie.
Il est temps de remettre de l’humain dans nos échanges.
Je vous souhaite une année 2022 heureuse et conviviale !!!
Bruno VERBEKEN
Président de la Ligue de l’enseignement du Nord